ESSAI – Universitaire et professeur de français à l’université de Tokyo, Akira Mizubayashi dénonce dans son “Petit éloge de l’errance” (Folio/Gallimard) l’irresponsabilité du gouvernement japonais face à la catastrophe de Fukushima, entre souvenirs personnels et évocations artistiques.
“Mon épouse m’a dit : tu es allé un peu trop loin, tu ne t’inquiètes pas ?” Non, Akira Mizubayashi n’est pas inquiet. Cet élégant professeur, qui parle français sans le moindre accent, a ressenti l’urgence de dire ce qui cloche au japon. Osé, dans un pays où les gens n’expriment jamais frontalement leurs désaccords. Or Akira Mizubayashi a pour arme la langue française, qu’il enseigne et dans laquelle il écrit merveilleusement. Son dernier livre, Petit éloge de l’errance, offre sans intermédiaire le regard rare, à la fois révolté et sensible, d’un Japonais sur l’après-Fukushima.
Des manifestations inédites au Japon
“J’ai voulu comprendre pourquoi ce pays ne change pas, pourquoi il n’y a pas de prise de conscience citoyenne au Japon, explique Akira Mizubayashi. Pourtant, un début de contestation a bien eu lieu : « Tous les vendredis soirs, il y a un rassemblement devant la résidence du Premier ministre. Il y a deux ans, on a dénombré 200 000 personnes, du jamais-vu. Les manifestations sont très mal vues au Japon depuis les mouvements de protestation étudiantes qui étaient devenues très violentes. Depuis, y participer, c’est être un peu extrémiste. Déjà, s’intéresser à la politique est extrémiste !”
Le gouvernement japonais veut reléguer Fukushima dans l’oubliAprès Fukushima, Akira Mizubayashi a passé une année sabbatique en France et suivi l’actualité en position d’observateur. De retour au Japon, ce qu’il a vu l’a accablé. “La volonté du pouvoir, c’est de minimiser les conséquences, et Fukushima s’efface peu à peu de la mémoire. Comment est-ce possible aujourd’hui, malgré Hiroshima et Nagasaki ? Il n’y a même pas de débat national pour décider si le Japon peut sortir du nucléaire, le gouvernement veut relancer toutes les centrales et en revendre à l’étranger, alors qu’il y a toujours 150 000 personnes qui ont tout perdu.”
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