La légende Fukushima via Libération

Cécile Asanuma-Brice

Dans les débats énergétiques et face au changement climatique, l’industrie du nucléaire semble encore promouvoir la sécurité de ses services, après des désastres humains comme ceux de Tchernobyl ou de Fukushima, qui auraient dû suffire à mettre en évidence le coût humain inacceptable du nucléaire et à envisager des changements radicaux, comme ce fut le cas dans certains pays européens.
Dans ce contexte, la légende du «zéro mort», complaisamment entretenue par certains scientifiques, joue un rôle stratégique à chaque catastrophe, et on l’entend à propos de Fukushima désormais ; alors même que les autorités et les citoyens des pays concernés doivent faire face à une recrudescence de la mortalité de la population.

Trois ans et demi après l’accident de Fukushima, le nombre de décès relatifs à l’explosion de la centrale nucléaire Tepco Daiichi de Fukushima ne cesse de s’accroître. Selon le journal Tokyo Shimbun, plus de 1 100 décès sont comptabilisés au 11 septembre. La population vieillissante, relogée dans des logements «provisoires», a été la première touchée. Le droit au refuge ne leur ayant pas été accordé, en dépit des recommandations faites par le rapporteur aux droits de l’homme de l’ONU, Anand Grover, suite à sa mission au Japon fin 2012, aucun accompagnement financier ne permet à ces habitants le relogement. Leurs conditions sanitaires se dégradent au fur et à mesure du temps qui passe, alors que d’autres décident de partir à leurs frais devant l’instabilité environnementale insupportable au quotidien. La chute dans une spirale de paupérisation touche une partie d’entre eux, livrée à la dépression et à l’alcoolisme.
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Le journal Fukushima Minpo tirait la sonnette d’alarme le 21 juin en rapportant les propos du ministère de l’Intérieur sur le nombre de suicides en recrudescence. La multiplication du nombre des cancers de la thyroïde doit également être prise en compte dans le bilan des conséquences sanitaires de l’explosion. Selon la commission d’enquête du département de Fukushima, 104 enfants de moins de 18 ans, parmi les 300 000 composants l’échantillon, ont été diagnostiqués comme atteints d’un cancer de la thyroïde. Les voix d’épidémiologues, à l’intérieur comme à l’extérieur du Japon, se lèvent pour contrer la position des experts de la commission départementale de Fukushima, selon laquelle ces cancers ne seraient pas conséquents de l’explosion. Ceux-ci «justifient» l’augmentation du nombre de cas par le perfectionnement des outils radiologiques actuels.
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Devant les doutes émis par les experts sur les rapports officiels, d’autres, qui émanent néanmoins des mêmes organisations (OMS, IAEA, ICRP) tranchent lors du 3e Symposium des experts internationaux à Fukushima, organisé par la fondation Sasakawa et l’université Médicale de Fukushima les 8 et 9 septembre. Le titre annonçait le dépassement des querelles épidémiologiques pour, enfin, atteindre les sommets prometteurs de la résilience et de la reconstruction. Pour Abel Julio González qui, tout en étant membre de l’UNSCEAR, occupe la fonction de membre de la commission sur les normes sécuritaires de l’IAEA, tout est une question de communication et il s’agit d’abord de calmer les inquiétudes «irraisonnées» des populations dues, selon lui, au terme «contamination» qui, référant à la pathologie, fait peser sur l’irradiation une image négative.

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